PROLOGUE
Je vous ai présenté aujourd'hui la doctrine de la Sagesse. Je vous l'ai décrite triplement, selon la prudence, la réflexion et la science.
I. TOUTE science 
suggérant un rapport à la Sainte Trinité, celle qu'enseigne 
l'écriture doit plus 
évidemment porter en soi l'empreinte de ce Mystère. 
Aussi le Sage affirme-t-il 
qu'il a proposé la doctrine sacrée en triple profondeur, à cause de sa triple 
interprétation possible, selon le sens moral le sens allégorique et le sens 
analogique. 
Ce triple sens spirituel, en effet, correspond à la hiérarchie des activités de l'âme, savoir à sa purification, à son illumination, à sa perfection.
Or la purification la 
conduit à la PAIX, l'illumination à la VERITE, la perfection à l'UNION de 
charité. 
Ces trois termes pleinement atteints, l'âme est admise à la 
béatitude et voit augmenter son mérite selon 
qu'elle s'est comportée dans 
leur recherche. De leur connaissance par conséquent, d'où dépend la 
science 
de toute l'Écriture Sainte, dépend aussi le mérite de l'éternelle 
Vie. 
Il faut donc savoir, 
pour nous exercer dans cette triple voie, que triple en est la manière, soit la 
lecture et 
la méditation, la prière et la contemplation. 
  
  
PREMIERE PARTIE
LA MÉDITATION
CHAPITRE I
DE LA MÉDITATION OÙ L'AME SE PURIFIE, S'ILLUMlNE, SE CONSOMME
II. En premier lieu il 
convient de s'instruire de la manière de méditer, sachons à cette, fin que trois 
puissances sont en nous, et que. polir nous exercer dans cette triple voie nous 
devons en faire usage, 
savoir ; l'aiguillon de la 
conscience, la lumière de la raison, l'étincelle de la sagesse. Si donc tu veux 
te purifier, recours à l'aiguillon de la conscience; si tu veux t'éclairer, 
recours à la lumière de la raison; si tu veux devenir parfait, recours à. 
l'étincelle de la sagesse. Ainsi le conseillait le bienheureux Denys à son 
disciple Timothée. 
Section première
PURIFICATION DE L'ÂME
1. - DE LA VOIE PURGATIVE ET DE SON TRIPLE EXERCICE.
III. La purification s'opère en exercent l'aiguillon de la conscience.
Ton premier exercice sera donc d'abord de l'exciter, ensuite de l'aiguiser, enfin de le rectifier.
Or l'aiguillon de la 
conscience : 1, s'excite par la recordation du péché; 2. s'aiguise par la 
circonspection 
envers soi même; 3. se rectifie par la considération du 
bien. 
1. Comment s'excite l'aiguillon de la conscience.
IV. - La recordation 
du péché procède de cette manière : l'esprit se convainc de la multitude de 
ses 
négligences, de ses convoitises et de ses méchancetés, car presque 
tous nos péchés et tous nos maux, soit 
actuels, soit habituels, 
peuvent se grouper sous ces trois chefs. 
NEGLIGENCE. A l'égard de la négligence sois attentif à rechercher :
1. D'abord si tu n'as 
pas négligé : la garde de ton coeur, l'exact emploi de ton temps, la pureté de 
ton 
intention, car en effet ces trois points méritent d'être observés 
avec une souveraine diligence : que le coeur 
soit gardé attentivement, le 
temps employé utilement et que toute oeuvre soit dirigée à sa juste fin. - 
2. 
Ensuite si tu n'as pas négligé : la prière, l'étude, le bien agir; 
parce que sur ces trois points doit très 
diligemment s'exercer et se 
cultiver quiconque veut porter de bons fruits ; aucun d'eux sans les autres 
ne 
suffira jamais. - 3. Enfin si tu n'as pas négligé: de te repentir 
du péché, de résister au mal, de profiter au 
bien. 
Chacun en effet avec 
un soin extrême doit : pleurer le mal qu'il a commis, repousser les 
tentations 
diaboliques, avancer de vertus en vertus, afin qu'il puisse ainsi 
parvenir à la terre promise. 
B. - CONCUPISCENCE.
V. - A l'égard de la 
concupiscence qui se trouve en l'homme spirituel comme en tout homme, tu 
dois 
rechercher si tu l'as cultivée, si tu la cultives peut-être 
encore. En voici les signes : 
1. D'abord la 
convoitise de la chair se trahit par un besoin de friandises, de mollesse, de 
volupté, elle te 
domine donc si tu recherches les aliments et les boissons 
délectables, les vêtements et les meubles 
confortables, les entretiens et 
les divertissements, sensuels, qu'il est répréhensible d'admettre 
délibérément, mais 
dont l'homme spirituel doit désavouer même les premiers 
mouvements. 
2. Ensuite la 
convoitise des yeux se délecte : à savoir des choses cachées ou secrètes, à 
avoir des choses 
précieuses ou chères, à voir des choses belles ou rares, en quoi 
se manifeste une cupidité, avarice ou 
curiosité condamnable et 
préjudiciable à l'homme spirituel. 
3. Enfin la convoitise 
de l'esprit ou orgueil de la vie se retrouve dans le désir de la faveur, dans le 
goût de 
la louange, dans l'appétit des honneurs, qui sont choses vaines et 
rendent vain l'homme,- s'il s'y livre; et 
que tu dois fuir à l'égal du 
désir charnel. Sur toutes ces tendances, l'aiguillon de la conscience doit 
stimuler 
le remords du coeur. 
C. - MALIGNITÉ.
VI. - A l'égard de la 
malice recherche si elle t'a dominé ou te domine encore; elle a pour racines : 
la colère, 
l'envie, la tiédeur. 
1. D'abord la colère 
se manifeste : par l'émotion, par le geste, par la parole; elle trouble le 
coeur, elle 
change le visage, elle s'exhale en clameurs; elle se trahit dans 
les sentiments, dans les attitudes, dans les 
actes. 
2. Ensuite l'envie se 
manifeste : par la tristesse du bien d'autrui, par le contentement de son 
infortune, par 
la mauvaise grâce à l'assister dans son besoin. 
3. Enfin la tiédeur se 
manifeste : par des suspicions défavorables, par de malignes détractions, par 
des 
pensées blasphématoires. 
Toutes ces formes de la malignité sont donc souverainement détestables et pernicieuses.
CONCLUSION.
Ainsi l'aiguillon de 
la conscience par ce tripartite examen triplement réitéré, acquerra la 
diligence, la 
délicatesse, et l'austérité nécessaires au progrès spirituel. Ton 
âme par cet exercice se remplira de la 
salubre amertume de la 
contrition. 
  
  
2 - COMMENT S'AFFINE L'AIGUILLON DE LA CONSCIENCE.
VII. - Après avoir 
appris de quelle façon tu dois réveiller ta conscience par la recordation du 
péché, 
apprends maintenant comment tu peux l'aiguiser par la vigilance, 
la prudence, la circonspection envers 
toi-même. Car il suffirait 
point que ta conscience fût attentive, délicate, diligente; elle doit être 
exigeante, 
et c'est l'oeuvre de la circonspection. Elle le devient en 
évoquant : 1. le jour de la mort qui est imminent; 
2. le regard du Juge fixé sur 
toi présentement; 3. le Sang de la Croix répandu comme récent. Reprenons 
: 
1. le 
jour de ta mort est certain, incertain, irrévocable: certain quant au fait; 
incertain quant au jour, au 
lieu, au mode; irrévocablement 
fixé et irrémissible. Si tu y songes diligemment, plus diligemment encore 
tu 
travailleras, tandis que tu en as le temps, à te purifier de toute 
négligence, convoitise et malignité. 
Oserais-tu t'attarder dans le 
péché n'étant pas assuré du lendemain? 2. Le regard est fixé sur toi du 
Juge 
que tu ne, peux ni tromper, ni fléchir, ni fuir. Nul ne peut 
égarer sa sagesse infaillible, ni leurrer sa justice 
incorruptible, ni décliner sa 
vindicte inflexible, qui ne laisse aucun bien sans récompense, aucun mal 
sans 
châtiment. Ton oeil ne sera-t-il pas perspicace à reconnaître le 
péché, si tu sens peser sur toi ce regard 
aigu? 3. Le Sang de la Croix te 
parle un langage plus digne de toi : la mort imminente, le 
rigoureux 
jugement stimulent ton intérêt personnel. Jésus crucifié s'adresse 
à ton amour : Vois ce sang versé : pour 
réveiller ton coeur de sa 
torpeur, pour le nettoyer de ses souillures, pour amollir sa dureté. Vois-le 
répandu 
sur ton âme : pour la purifier de ses taches, pour la ressusciter 
de la mort, pour la féconder dans son 
aridité. Qui serait assez 
stupide, se sentant baigné d'un Sang si précieux, pour laisser en soi 
régner 
coupablement la négligence, la convoitise et la 
malignité? 
3. - COMMENT SE RECTIFIE L'AIGUILLON DE LA CONSCIENCE.
VIII. - Ta conscience 
une fois réveillée par la recordation du péché, aiguisée par la circonspection, 
il te 
faut la rectifier par la considération de son bien. Or ce bien, 
dont l'acquisition redressera ta conscience 
faussée par le péché, consiste 
en trois vertus opposées aux trois vices reconnus par l'examen. A 
la 
négligence s'oppose la générosité, à la convoitise s'oppose 
l'austérité, à la malignité s'oppose la bénignité. 
Ces trois vertus acquises, ta 
conscience sera droite, forte et pure. A quoi nous pouvons appliquer la 
parole 
du Prophète Michée (6, 8) : " Je t'indiquerai, homme, quel est le 
bien et ce que de toi requiert le Seigneur 
: savoir :accomplir la justice, 
aimer la miséricorde et marcher soigneusement devant ton Dieu" . Et aussi 
le 
conseil du Seigneur en saint Luc,(12, 35) "Que vos reins soient 
ceints, vos lampes allumées, et 
vous-mêmes semblables à des 
serviteurs [vigilants]". IX. - Il faut commencer par la générosité qui fraie 
la 
voie 
aux deux autres. On peut la définir : une VIGUEUR de l'esprit qui secouant toute 
négligence se 
dispose à servir Dieu avec vigilance, confiance, aisance. - 2. 
L'austérité la suit qu'on peut définir : une 
RIGUEUR de l'âme; elle réprime 
toute convoitise et rend capable d'aimer ce qui est rude, pauvre, vil. - 
3. 
La 
bénignité enfin est la troisième : elle est cette DOUCEUR de sentiment, cette 
suavité de coeur qui 
bannit toute méchanceté; elle incline à la bienveillance, à la 
tolérance, à l'allégresse intérieure. 
RECAPITULATION DE LA VOIE PURGATIVE
Ici s'achève la 
purification de l'âme par le moyen de la méditation, car toute conscience pure 
est heureuse 
et joyeuse. Qui donc veut se purifier, qu'il exerce de la manière 
indiquée l'aiguillon de sa conscience. Note 
néanmoins que la méditation 
peut commencer par l'un ou l'autre des sujets proposés et passer de l'un 
à 
l'autre, ou demeurer fixée sur l'un ou sur l'autre, à son gré, 
jusqu'à ce qu'elle ait trouvé ce qu'elle cherche. 
Car le but de la méditation est 
d'atteindre et de goûter la PAIX, soit cette tranquillité, cette sérénité 
d'où 
sourd la JOIE spirituelle. Cette paix obtenue, l'esprit est prêt 
et prompt à tendre plus haut. Cette voie 
donc, où l'on entre poussé par 
le remords de la conscience, conduit au sentiment de spirituelle allégresse 
: 
on la 
parcourt dans la douleur, et dans l'amour on s'y consomme. 
Section deuxième
ILLUMINATION DE L'AME
2. - DE LA VOIE ILLUMINATIVE ET DE SON TRIPLE EXERCICE
X. - Après avoir 
traité de la voie purgative, il vient à traiter en second lieu de la voie 
illuminative. 
L'homme y prend pour guide, non plus l'aiguillon de sa conscience, 
mais la lumière de sa raison. Le rayon 
de cette lumière doit être : 
d'abord projeté sur les dettes remises, ensuite étendu jusqu'aux 
faveurs 
commises, enfin tourné vers les récompenses 
promises. 
PREMIER EXERCICE
CONSIDERATION DE NOTRE INDIGENCE
XI. Nous projetons la 
lumière de notre intelligence sur les dettes qui nous ont été remises lorsque 
nous 
pesons soigneusement les péchés que Dieu nous a pardonné, si 
nombreux, si graves, pour lesquels nous 
méritions d'être soumis à tant 
de peine, et privés de tant et si grands biens. 
1. Cet énoncé suffit à 
nourrir notre méditation; ajoutons-y pourtant la considération des maux où 
nous 
fussions tombés, si Dieu l'avait permis. Nos ténèbres seront 
illuminées par l'éclat de cette lumière, durant 
notre diligente méditation. Or 
cette lumière ne serait pas la lumière céleste dont la clarté 
s'accompagne 
toujours de chaleur, si à l'illumination ne correspondait point un 
élan de gratitude. Ici donc, rendons grâce 
pour le pardon qui nous a été 
accordé de nos péchés commis et pour la miséricorde qui nous a gardés 
de 
ceux 
où nous auraient entraînés l'indigence, la faiblesse et la malice de notre 
volonté. 
DEUXIEME EXERCICE
CONSIDERATION DE NOTRE GRANDEUR
2. Nous étendrons en 
second lieu ce rayon de lumière jusqu'aux faveurs qui nous ont été 
commises, 
savoir les dons que nous avons à mettre en oeuvre et dont nous 
aurons à rendre et le compte et les fruits. 
Ces bienfaits se groupent aussi 
sous trois chefs, appartenant : 1. les uns à l'intégrité de la nature, 2. 
les 
autres à l'assistance de la grâce, 3. d'autres enfin au don de la 
surabondance. 1. A l'intégrité de la nature 
revient que Dieu vous a dotés, 
selon le corps, de membres complets, d'un tempérament sain, d'une 
noble 
fécondité; selon les sens, d'yeux pour voir, d'oreilles pour 
entendre, et d'un langage articulé; selon l'âme, 
d'une raison ouverte, d'un 
jugement droit, d'un coeur bon. XII. - 2. A l'assistance de la grâce 
revient 
d'abord que Dieu vous a prévenus par la grâce du baptême, qui 
effaça le péché originel, restitua 
l'innocence, conféra la justice 
par laquelle vous fûtes rendus dignes de la vie éternelle; qu'ensuite il vous 
a 
relevés par la grâce de la pénitence, au temps opportun, selon le 
désir qu'il excita dans votre âme et la 
magnanimité de son institution; 
qu'enfin il vous a honorés de la grâce du sacerdoce qui vous a 
établis 
dispensateurs de la doctrine, et du pardon,. et de l'Eucharistie, 
c'est-à-dire de là parole de vie plus ou 
moins communiquée dans tout 
acte sacerdotal. 
XIII. - 3. Au don de 
la surabondance ou de la plénitude revient que Dieu vous a comblés : d'abord par 
la 
jouissance de l'Univers, où les créatures inférieures vous 
servent, les égales vous aident, les supérieures 
vous protègent; ensuite par 
l'Envoi de son Fils qu'il vous livre : en frère et ami, en rançon, et chaque 
jour 
en 
nourriture : en frère par son Incarnation, en rançon par sa Passion, en aliment 
par la Consécration; 
enfin par la Mission de l'Esprit Saint : en signe de votre 
Acceptation, en arrhes de votre Adoption, en gage 
de vos Épousailles, car il a 
fait de l'âme chrétienne sa soeur, sa fille et son épouse. Dons merveilleux 
et 
inestimables, dont la méditation doit remplir votre âme de 
gratitude envers Dieu. 
TROISIEME EXERCICE
CONSIDERATION DE NOTRE FIN
XIV. - 3. A l'égard de 
la voie illuminative, reste en dernier lieu à considérer comment dans sa 
méditation 
la lumière de la raison se retourne vers la Source de tout bien 
pour s'entretenir des récompenses promises. 
Car avec sollicitude et 
assiduité elle doit penser que Dieu qui ne ment point a promis, à ceux qui 
croient en 
Lui et qui l'aiment : 1. l'éloignement de tous leurs maux, 2. la 
société de tous les saints, 3. 
l'assouvissement de tous leurs 
désirs; - en Lui, qui est la source et la plénitude de tous les biens; - 
qui 
Lui-même est un tel Bien qu'Il excède toute prière, tout désir, 
toute estime; qui nous répute dignes de ce 
grand Bien, si nous l'aimons et 
tendons vers Lui par-dessus tout et pour Lui seul. Et c'est pourquoi de 
tout 
notre élan, de toute notre affection, de toute notre bonne 
volonté, nous devons ainsi tendre vers LUI. 
Section troisième
CONSOMMATION DE L'AME
§ 3 De LA VOIE PERFECTIVE ET DE SON TRIPLE EXERCICE
XV. - Vient en dernier 
lieu la manière de nous exercer à l'égard de l'étincelle de la Sagesse. Et voici 
l'ordre 
à suivre : D'abord cette étincelle doit être recueillie, puis 
embrasée, enfin emportée. Ce qui s'explique ainsi 
: 1. Vous la recueillerez en 
soustrayant votre affection à tout amour créé; car votre coeur doit se refuser 
à 
toute 
créature, dont l'amour ou ne profite pas, ou s'il profite ne refait pas, ou s'il 
refait ne satisfait pas ni 
ne suffit. Et c'est pourquoi 
tout amour de cet ordre doit être absolument banni de votre coeur. XVI. 
2. 
Ensuite il faut embraser cette étincelle par la concentration de 
tout sentiment d'amour sur l'amour de 
l'époux. Ce qui s'opère en 
comparant ce même amour soit à lui-même, soit à la charité des 
bienheureux, 
soit à son propre Objet, l'Epoux divin. Or, tandis que l'on 
considère que par l'amour il peut être suppléé 
en nous à toute indigence; que 
par l'amour est accordé aux bienheureux de tout bien l'abondance; que 
par 
l'amour est possédée du souverainement désirable la Présence... 
alors s'embrase le coeur... XVII. - 3. A 
ce moment, il faut enfin 
s'évader et emporter cette étincelle au-dessus de toute réalité sensible, 
imaginable, 
intelligible, dans cet ordre : De Celui que vous souhaitez d'aimer 
parfaitement et sans intermédiaire, dites 
vous, dans votre méditation : 
d'abord qu'il ne tombe pas sous les sens, et qu'il ne peut être vu, ni ouï, 
ni 
odoré, ni goûté, ni touché, mais il est tout désirable... Ensuite 
qu'il n'est pas objet d'imagination; car on ne 
lui peut prêter ni terme, ni 
figure, ni ombre, ni mesure, ni limite; qu'il ne peut donc pas être 
représenté, 
mais il est tout désirable... Enfin qu'il n'entre pas dans l'ordre 
rationnel, et qu'on ne peut ni le définir, ni le 
démontrer, ni l'apprécier, ni 
le comprendre, ni le saisir, car son intelligibilité dépasse toute 
intelligence... 
mais il est tout désirable... 
§ 4 - Conclusion
XVIII - De ce qui 
précède clairement découle, comment en s'y exerçant, selon la triple voie de 
la 
Purification, de l'illumination, et de la Perfection, on parvient 
par la méditation à la Sagesse de l'Ecriture 
Sainte. Or, non seulement les 
enseignements de l'Ecriture, mais toute notre culture spirituelle est 
tributaire 
de cette méthode. Car toute méditation sapientielle porte : 1. ou 
sur les oeuvres de l'homme, savoir : ce 
qu'il fait, ce qu'il doit 
faire, et pourquoi; 2. ou sur les oeuvres de Dieu, savoir : ce qu'à l'homme 
il 
commet, remet, et promet; en quoi s'incluent l'oeuvre de la 
Création, celle de la Réparation, celle de la 
Glorification; 3. ou sur les 
principes des unes et des autres, savoir : Dieu, et l'âme, et comment ils 
doivent 
s'unir. Ici doit s'arrêter la Méditation, parce que1a connaissance 
[discursive] et toute opération de l'esprit 
atteint ici sa fin, savoir la 
vraie sagesse, dans laquelle est une connaissance par expérience 
véridique. 
COROLLAIRE
XIX. - Or dans la 
MEDITATION ainsi entendue, l'âme tout entière doit s'engager, avec toutes 
ses 
puissances : la raison, la syndérèse, la conscience, la volonté. 
La raison, interroge, pose une question; la 
syndérèse, appréciant, propose 
la solution; la conscience, témoignant, infère la sentence; la 
volonté, 
décidant, profère la condamnation. Prenons un cas de la voie 
purgative. La raison demande: Que faire 
d'un homme qui a violé le 
temple de Dieu? La syndérèse répond : Qu'il meure, ou qu'il fasse 
pénitence. 
La conscience déduit : Tu es cet homme ! Il te faut donc encourir 
la damnation, ou accepter la pénitence. 
La volonté enfin choisit, et 
parce qu'elle se refuse à être à jamais damnée, elle accepte volontairement 
les 
rigueurs. de la pénitence. Interprétez de la même façon la 
pratique des autres voies. 
  
  
LA TRIPLE VOIE (3)
LA PRIERE
CHAPITRE II
DE LA PRIÈRE QUI 
DEPLORE LA MISÈRE, IMPLORE LA MISERICORDE ET 
SE VOUE A 
L'ADORATION 
1. Après que nous 
avons dit comment on parvient à la vraie Sagesse en lisant et méditant, il vient 
à dire 
comment on y parvient en priant. Sachons d'abord que la prière 
comporte trois parties qui sont des pas ou 
degrés : le premier est l'aveu 
de la misère; le deuxième, l'imploration de la pitié; le troisième, l'offrande 
de 
l'adoration. Nous ne pouvons offrir à Dieu le culte de notre 
ado-ration, que nous n'en ayons de lui obtenu 
la grâce; nous ne pouvons 
incliner la miséricorde de Dieu à nous donner cette grâce, qu'en exposant 
notre 
indigence et déplorant notre misère. Toute prière parfaite doit 
ainsi inclure ces trois parties; l'une sans les 
autres ne saurait suffire ni 
atteindre le but : les trois y sont conjointement requises. 
Premier pas.
§ 1 - DU TRIPLE AVEU DE SA MISERE.
II. - De quelque 
misère qu'il s'agisse, la confession en doit porter sur la commission de la 
faute, l'amission 
de la grâce, la rémission de la gloire; d'où naîtront la douleur, 
la honte et la crainte la douleur, à cause du 
dommage; la honte, à cause de 
l'opprobre; la crainte, à cause du danger. 1. La douleur naît de 
la 
MEMOIRE du passé, quand l'âme se recorde ce qu'elle a omis : la 
justice prescrite; ce qu'elle a commis : 
les actes défendus; ce qu'elle 
a perdu : la vie de la grâce. 2. La honte naît de la PENSEE du 
présent, 
quand l'âme regarde où elle est : aussi loin en bas qu'elle fut 
proche du sommet; quelle elle est : souillée de 
fange elle qui fut parfaite 
image; ce qu'elle est : esclave elle qui fut libre. 3. La crainte naît de 
la 
PREVISION de l'avenir, quand l'âme présume : où elle tend, car ses 
pas se hâtent vers l'enfer; ce qu'elle 
attend : le jugement 
inévitable, juste cependant; ce qui l'attend : la solde d'une mort 
éternelle. 
Deuxième pas.
§ 2. - D'UNE TRIPLE IMPLORATION DE LA PITIE.
III. - De quelque 
grâce qu'il s'agisse, la postulation doit être présentée : 1. avec l'insistance 
du désir que 
nous tenons de l'Esprit Saint il prie en nous par des 
gémisse-ments inénarrables : 2. avec l'assurance de 
l'espoir que nous tenons du 
Christ, mort pour nous tous; 3. avec le soin diligent d'implorer l'assistance 
de 
tous 
les justes et de tous les saints. 1. Le DESIR est formé en nous par l'Esprit 
Saint, car de lui nous 
sommes éternellement 
prédestinés par le Père en son Fils, spirituellement régénérés dans le 
bap-tême, 
unanimement agrégés à l'Eglise. 2. L'Espoir est affermi en nous 
par le Christ qui pour nous ici-bas s'est 
livré à la mort sur la Croix, 
au ciel se présente devant Dieu dans la gloire, au Sacrement est offert par 
la 
Sainte Mère Église. 3. L'ASSISTANCE de l'assemblée des saints nous 
est assurée par les anges gardiens 
qui veillent sur nous, par les 
saints du ciel qui prient pour nous, par les justes de la terre qui méritent 
avec 
nous. Quand à la prière ces trois appoints concourent, alors 
efficacement est implorée la miséricorde. 
Troisième Pas
§ 3. - Du TRIPLE HOMMAGE D'ADORATION
IV. - A quelque titre 
qu'on doive honorer Dieu, l'hommage de l'adoration s'exprime par trois actes : 
Dans 
son désir de trouver grâce, notre coeur doit : 1. s'incliner en 
révérence et adoration de Dieu; 2. se dila-ter 
en gratitude et bienveillance; 
3. s'exalter en la com-plaisance, pour entrer dans le colloque de l'Époux 
avec 
l'Épouse, selon que l'enseigne l'Esprit Saint au Cantique que si 
ce colloque est droitement ordonné, il 
s'épanouit dans une 
merveilleuse exultation et jubilation, au point que l'âme est jetée hors 
d'elle-même et 
s'écrie : " Il nous est bon d'être ici" (Math., 17, 4). La prière 
alors doit trouver là son terme; mais elle ne 
doit pas se désister plus tôt, 
c'est-à-dire avant qu'elle n'ait pénétré dans le secret du Tabernacle 
admirable, 
jusqu'à la Maison de Dieu, où résonne la voix joyeuse du Convive 
(Ps., 41, 5). V. - 1. Pour t'incliner à 
révérence, admire l'immensité 
divine et vois ta propre petitesse; 2. pour te dilater à bienveillance, 
rends-toi 
attentif à la bénignité divine et vois ta propre indignité; 3. 
pour t'exalter à complaisance, pense et repense à 
la charité divine et vois ta 
propre tiédeur; tant que par cette comparaison tu parviennes à sortir de 
toi. 
MOTIFS ET ACTES DE LA RÉVENCENCE
VI. 1. LA révérence 
que nous témoignons à Dieu, nous la lui devons à trois titres : a. comme au Père 
par 
qui 
nous somme, formés, reformés, éduqués; b. comme au Seigneur par qui nous sommes 
: arrachés à la 
gueule de l'ennemi, rachetés de la prison d'enfer, embauchés pour 
la vigne du Maître. 2. comme au Juge 
devant lequel nous sommes 
accusés, convaincus, confessés : le cri de notre conscience nous 
accuse, 
l'évidence de notre vie nous convainc, le regard de la divine 
Sagesse nous contraint aux aveux; aussi la 
sentence est-elle de droit 
contre nous proférée; et notre révérence envers Dieu doit-elle être d'abord 
très 
profonde, ensuite plus profonde, enfin sans fond; d'abord comme 
une inclination, ensuite comme une 
génuflexion, enfin comme une 
prostration. Ainsi, par la première, nous nous soumettons à Lui, par 
la 
deuxième, nous nous démettons de nous-mêmes, par la troisième, 
nous nous remettons nous-mêmes à 
Lui, Par la première, nous nous 
réputons déjà très petits; par la deuxième, encore amoindris; par 
la 
troisième enfin, anéantis. 
MOTIFS ET ACTES DE LA BIENVEILLANCE.
VII. - 2. LA 
BIENVEILLANCE que nous exerçons envers Dieu, nous devons semblablement 
la 
manifester par un triple mouvement car elle doit être d'abord très 
grande, encore plus grande, enfin sans 
mesure : très grande, 
considérée notre indignité; plus grande encore, considérée l'ampleur de sa 
grâce; 
sans mesure enfin, considérée l'immensité de sa miséricorde; ou 
bien : très grande déjà à cause des dons à 
nous commis; plus grande 
encore, à cause des maux à nous remis; sans mesure enfin, à cause des biens 
à 
nous 
promis; ou encore très grande, à raison de l'intégrité de la nature : plus 
grande encore, à raison du 
surcroît de la grâce; immense 
enfin, à raison du don de la surabondance. Au premier temps, le coeur 
se 
dilate et s'étend; au deuxième, il s'ouvre et se distend; au 
troi-sième, il se répand, selon la parole de 
Jérémie (Lament., 2,19) : " 
Répands comme de l'eau ton coeur. " 
MOTIFS ET ACTES DE LA COMPLAISANCE.
VIII. 3. LA 
COMPLAISANCE que nous plaçons en Dieu, nous nous y élevons par un triple élan 
nos 
sentiments doivent s'accorder aux sentiments de Dieu de telle 
sorte : d'abord qu'à chacun plaise que Dieu 
seul se complaise en lui; 
ensuite qu'à chacun plaise qu'il ne se plaise qu'en Dieu seul; enfin, qu'à 
chacun 
plaise que les autres commu-niquent à cette complaisance. Le 
premier est déjà grand, le deuxième plus 
grand encore, le troisième 
enfin très grand. Au premier temps, l'amour est gratuit; on aime en Dieu 
qu'il 
est DIEU. Au deuxième temps, l'amour est dû: on aime Dieu parce 
qu'il est DIEU. Au troisième, l'amour 
est à la fois gratuit et dû 
(l'amour se multiplie par l'amour et s'exalte) : le premier Amour crucifie le 
monde 
à 
l'homme; le deuxième crucifie l'homme au monde; le troisième crucifie l'homme 
pour le monde, en sorte 
qu'il souhaite de mourir pour 
tous, afin que tous plaisent à Dieu et se complaisent en Dieu. (Galat, 6, 
14). 
CONCLUSION.
ICI EST LE DEGRE 
TERMINAL de la parfaite charité; nul ne doit, avant de l'avoir touché, 
s'estimer 
parfait. Or est atteinte cette perfection quand Dieu trouve le 
coeur non seulement décidé, mais avide de 
mourir pour le salut de ses 
frères ; selon ce que Paul disait : " Pour moi, plus que volontiers, je 
dépenserai 
[tout] et me surdépenserai (moi-même] pour vos âmes " (2 Cor., 
12,15). A cette parfaite dilection du 
prochain, nous ne parviendrons 
néanmoins qu'après avoir atteint la parfaite charité envers Dieu, 
pour 
l'amour de qui nous aimons le prochain; car le prochain n'est 
aimable qu'en Dieu, ou à cause de Dieu. 
§ 4. - DE SIX ETAPES DE L'AMOUR DE DIEU
IX. - (Or comment 
peut-on savoir qu'on aime Dieu parfaitement?) Voici l'exposé de six étapes que 
l'âme 
parcourt l'une après l'autre pour arriver à cette per-fection. 1. 
Le premier pas est la SUAVITE. L'homme 
y apprend à goûter combien le 
Seigneur est suave. Ce qu'il obtient en vaquant à Dieu, en chômant 
du 
temporel par de saintes méditations; parce que selon le Psalmiste, 
" ce qui lui reste de connaissance fait à 
Dieu fête "; et vous le saurez 
quand vos méditations sur l'amour de Dieu engendreront cette suavité 
en 
votre coeur. (Ps., 33, 9; Ps. 75, 10). 2. Le deuxième pas est 
l'AVIDITE. Quand l'âme en effet a 
commencé à s'accoutumer à cette 
douceur, il en naît en elle une si grande faim que rien ne peut 
l'assouvir, 
sinon la possession parfaite de Celui qu'elle aime. Or comme 
l'atteindre est impossible dans le temps 
présent parce qu'il est loin, 
continuellement elle s'élance et sort [de soi] par un amour 
[extatique] 
s'exclamant et répétant avec Job (7, 17) : " Mon âme préfère une 
mort violente, mes os appellent le trépas 
" , parce que " de même que le 
cerf soupire après les sources d'eau, ainsi mon âme sou-pire après toi, 
ô 
Dieu 
" (Ps., 41, 17). 
X. - 3. Le troisième 
pas est la SATIETE qui naît de l'avi-dité même. Désirant Dieu avec une 
véhémence 
excessive et emportée vers les choses d'en haut, tout ce qui la 
retient en bas se tourne pour l'âme à 
dégoût. Comme saturée, elle ne 
sent point d'attrait pour ce qui n'est pas son Bien-Aimé. De même 
qu'un 
estomac rempli prend la nourriture dont on le surcharge à nausée 
plutôt qu'à profit, ainsi fait l'âme en 
cette étape à l'égard de tout 
le terrestre. 4. Le quatrième est l'EBRIETE; elle naît du rassa-siement : on 
y 
aime 
Dieu de tant d'amour, que non seulement on se lasse des consolations, mais qu'on 
cherche pour 
consolations les épreuves et qu'on s'y délecte; et pour l'amour de 
celui qu'on aime, on se réjouit dans les 
peines, les opprobres et les 
souffrances, ainsi que l'Apôtre. De même qu'un homme ivre se dévêt 
sans 
pudeur et reçoit les coups sans les sentir, ainsi en est-il à 
cette étape (Prov., 23, 24). XI. - Le cinquième 
est la SECURITE qui naît de 
l'ivresse. De ce que l'âme se sent tellement aimer Dieu que pour 
lui 
volontiers elle supporterait tout dommage et toute honte, elle 
bannit toute crainte et conçoit tant d'espoir 
du secours divin, qu'elle 
estime que rien ne pourra plus la séparer de Dieu. A cette étape en était 
l'Apôtre 
quand il disait " Qui nous séparera de la charité du Christ?... 
Car j'ai l'assurance que ni la mort ni la vie ni 
aucune créature ne pourra nous 
séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ Notre-Seigneur " (Joan., 
4, 
18; 
Rom., 8, 35). 6. Le sixième est une TRANQUILLITE vraie et pleine qui communique 
une telle paix 
et quiétude, que l'âme se trouve en quelque sorte en silence et en 
sommeil, et comme logée dans une 
arche de Noé où rien ne peut la 
troubler. Qui peut en effet troubler une âme que ne point plus la piqûre 
de 
la 
cupidité, que n'excite plus l'aiguillon de la crainte? Dans une telle âme est la 
PAIX. Ici est le stade 
dernier et le repos. Ici le 
vrai Salomon s'accoise parce qu'il a fixé son séjour dans la PAIX (Ps., 75, 
3). 
C'est pourquoi avec beaucoup de convenance ces six étapes sont 
désignées par les six marches par 
lesquelles on accédait au trône 
de Salomon. D'où il est dit aux Cantiques : " Le milieu est une 
broderie, 
oeuvre d'amour " , parce qu'il est impossible de parvenir à cette 
tranquillité sinon par la chanté. Mais 
celle-ci acquise, il est très 
facile à l'homme d'accomplir tout ce qui est de la perfection, soit agir, soit 
pâtir, 
soit vivre, soit mou-rir (Cant.,3 10; III Reg., 10, 18). Que tous 
nos soins donc soient de profiter dans la 
charité, puisque sa croissance 
implique la perfection de tous les biens, que daigne nous accorder 
CELUI 
qui vit et règne au siècle des siècles. Amen. 
§ 5. - RECAPITULATION DES DEUX PREMIERES PARTIES
XII. - POUR AVOIR sous 
la main les définitions précé-dentes, notez : Celui qui veut avancer dans 
cette 
voie de perfection doit : 1. par la MÉDITATION se servir de 
l'aiguillon de sa conscience, le réveiller, 
l'aiguiser, le redresser; de la 
lumière de sa raison, l'étendant, la dila-tant, la retournant sur soi; de 
l'étincelle 
du vrai savoir, l'accueillant, l'embrasant, la surélevant. 2. Par 
la PRIERE : d'abord déplorer sa misère avec 
douleur, à cause du dommage; 
avec honte, à cause de l'opprobre; avec crainte, à cause du risque; 
ensuite 
implorer la miséricorde : avec un désir véhément par l'Esprit 
Saint, avec une ferme espérance par Jésus 
Crucifié, avec l'assistance et 
le suffrage des saints; enfin adorer Dieu, lui rendant respect, bienveillance 
et 
complaisance. De la part de Dieu nous préviennent ses admirables 
perfections, et c'est la majeure; de 
notre part suit leur 
considération; et c'est la mineure; ainsi se présente l'adoration comme 
conclusion. 
CONCLUSION
Qui s'exercera ainsi 
avec ferveur et constance, il avancera dans la charité par les six étapes 
énumérées; il 
parviendra à la perfection de la tranquillité où se trouve une 
multiple paix, et comme la fin du repos légué 
par le Seigneur aux Apôtres 
(Joan., 14, 27). D'où il faut noter que saint Paul, en chaque 
salutation, 
souhaite la grâce et la paix, la grâce comme achèvement de la 
paix. En écrivant à Timothée; il interpose 
entre la paix et la grâce la 
miséricorde, qui est de l'une et l'autre le principe. 
  
TROISIEME PARTIE
LA CONTEMPLATION
CHAPITRE III
DE LA CONTEMPLATION QUI CONDUIT AU VRAI SAVOIR § 1. - PREAMBULE
I. - APRES avoir 
expliqué de quelle manière nous devions nous exercer à la sagesse par la 
méditation et la 
prière, nous insinuerons maintenant avec brièveté comment nous 
parviendrons au vrai savoir par voie de 
contemplation. Par la 
contemplation en effet notre esprit passe jusqu'à la Jérusalem céleste, modèle 
sur 
qui 
est formée l'église, selon l'Exode (35, 40): " Contemple et reproduit le modèle 
qui t'a été montré sur la 
montagne ". Il est en effet 
nécessaire que l'Église militante se conforme à l'église triomphante, les 
mérites 
aux récompenses, les voyageurs aux Bienheureux, autant du moins 
qu'il est possible. Or, dans la gloire 
triple est la dot qui forme la 
perfection de la récompense, savoir : 1. l'obtention de la suprême 
paix 
éternelle; 2 .la vision manifeste de la suprême vérité; 3. la 
plénière fruition de la suprême bonté ou charité. 
C'est par là aussi que se 
distinguent les trois ordres de la suprême hiérarchie céleste, les Trônes, 
les 
Chérubins, les Séraphins. A celui donc qui veut mériter de 
parvenir à cette béatitude, il est nécessaire 
d'acquérir, autant qu'il se 
peut ici-bas, ces trois états de gloire : 1. le repos de la Paix; 2. la 
splendeur de la 
Vérité; 3. la douceur de la Charité. Efforçons-nous donc de 
parvenir à ces trois états, par trois degrés, 
selon la triple voie : 
purgative, où l'âme expulse le péché; illurninative, où l'âme imite le Christ; 
unitive, où 
l'âme accueille l'Époux. Or chacune à ses degrés : il faut accéder 
par le plus bas, si l'on veut s'y élever 
jusqu'au suprême. 
I. - LE REPOS DE LA PAIX
§ 2. - DE VII DEGRES PAR LESQUELS ON S'ELEVE AU REPOS DE LA PAIX
Il. - Les degrés qui 
conduisent au Repos de la paix sont les sept ci-après énumérés : La PUDEUR 
se 
rencontre d'abord, dans la recordation du péché et selon les 
quatre aspects de celui-ci, savoir : sa 
magnitude, sa multitude, sa 
turpitude, son ingratitude. La FRAYEUR en deuxième lieu, dans 
l'attente 
anxieuse du jugement, et selon quatre aspects, savoir : le 
dérèglement de l'activité, l'aveuglement de la 
raison, l'endurcissement de la 
volonté, la condamnation finale, La DOULEUR en troisième lieu, 
dans 
l'appréciation du dommage, et selon quatre aspects, savoir : la 
perte de l'amitié divine, la privation de 
l'innocence, la lésion de la 
nature, la dissipation de la vie passée. La CLAMEUR en quatrième lieu, 
dans 
l'imploration d'une quadruple assistance : de Dieu-Père, du 
Christ-Sauveur, de la Vierge-Mère, de l'Église 
triomphante. La RIGUEUR en 
cinquième lieu, dans l'extinction du foyer de la concupiscence et sous 
ses 
quatre aspects, savoir : d'aridité, qui est indévotion; de 
perversité, qui est malice; de volupté, qui est 
convoitise; de vanité, qui est 
orgueil. L'ARDEUR en sixième lieu, dans le désir du martyre, et pour 
quatre 
motifs, savoir : la perfection de la rémission de l'offense, la 
perfection de la purification de la souillure, la 
perfection de la satisfaction à 
la peine, la perfection de la sanctific ion en grâce. Enfin, septième 
étape, 
l'ASSOUPISSEMENT à l'ombre du Christ. Là est l'arrêt et le repos. 
Là l'homme se sent couvert par 
l'ombre des ailes divines, en 
sorte qu'il ne brûle plus ni de l'ardeur du désir, ni de la crainte du 
châtiment. 
Or on ne peut accéder usque-là que par la soif du martyre, ni à 
cette soif que par l'extinction de la 
convoitise, ni à. celle-ci que 
par le suffrage imploré, ni à ce suffrage que par le dommage déploré, ni à 
ce 
regret que par la crainte du jugement, ni à cette crainte sans s 
tre souvenu et humilié de ses fautes. Que 
celui donc qui veut jouir du 
repos de la PAIX avance selon l'ordre qui lui est assigné. 
II. - LA SPLENDEUR DE LA VÉRITÉ
§ 3. -- DE VII DEGRÉS 
PAR OU L'ON PARVIENT A LA SPLENDEUR DE LA 
VÉRITÉ 
III. - SEPT sont aussi 
les degrés par lesquels, dans la voie de l'Imitation du Christ, on atteint la 
splendeur 
de la vérité, et ce sont : l'assentiment de la raison, le 
sentiment de la compassion, le regard de l'admiration, 
l'ardeur de la dévotion, le 
vêtissement de la ressemblance, l'embrassement de la Croix, l'éblouissement 
de 
la 
Vérité, dans lesquels tu avanceras selon cet ordre : IV. - CONSIDERE - QUI est 
celui qui souffre, et 
soumets-toi à Lui par l'assentiment de ta raison : Crois fermement 
que le Christ est vraiment : le Fils de 
Dieu, le Principe de toutes 
choses, le Sauveur des hommes, le Rétributeur des mérites de tous. - 
QUEL 
est celui qui souffre, et unis-toi à Lui par un sentiment de 
compassion : compatissant au très innocent, au 
très doux, au très noble, au 
très aimant. - Combien GRAND celui qui souffre; sors de toi vers Lui, par 
le 
regard de l'admiration : attentif à le voir immense : en 
puissance, en beauté, en félicité, en éternité. Admire 
donc : cette puissance 
annihilée, cette beauté décolorée, cette félicité tor rée, cette éternité 
expirée. - Pour 
quelle CAUSE souffre celui qui souffre; oublie-toi pour Lui par un 
excès de dévotion, car il souffre : pour 
ta rédemption, pour ton 
illumination, pour ta sanctification, pour ta glorification. - En quelle FORME 
il 
souffre, et revêts-toi du Christ par l'effort de l'imitation, Il a 
souffert très volontier par rapport au 
prochain, très sévèrement par 
rapport à toi, très obéissamment par rapport à Dieu, très prudemment 
par 
rapport à l'adversaire Efforce-toi donc de te revêtir de bénignité 
envers le prochain, de sévérité envers 
toi-même, d'humilité envers 
Dieu, de défiance envers le démon, selon l'image qu'en toi tu dois porter 
du 
Christ, - De quel POIDS sont les souffrances de celui qui souffre; 
et embrasse la Croix dans le désir de la 
Compassion, en sorte que, comme 
a souffert la toute-puissance, impuissante dans ses liens; la 
bonté, 
avilie dans les outrages; la sagesse, ridicule sous s moqueries; 
la justice, convaincue d'iniquité par le 
supplice, toi-même tu te voues 
à la passion de la Croix, passion pleine : d'injustice dans les 
choses, 
d'outrages dans les paroles, d'indignité dans les gestes, de 
supplices dans les tourments, - Les 
CONSÉQUENCES enfin de ce qu'il 
souffre; et capte la splendeur de la vérité par l'oeil de ta 
contemplation. Car 
parce que l'AGNEAU a souffert : voici que les VII Sceaux du Livre sont 
rompus 
(Apocalypse, 5, 5). Or ce Livre est la connaissance univer lle des 
choses, dans laquelle sept notions 
restaient voilées à l'homme, 
qui par l'efficacité de la Passion du Christ lui ont été révélées, savoir : 
Dieu 
admirable, l'Esprit intelligible, le Monde sensible, le Paradis 
désirable, l'Enfer horrible, la Vert louable, le 
Péché imputable. Par la Croix 
en effet est manifesté : - Dieu, digne d'admiration en sa suprême 
et 
inscrutable sagesse, en sa suprême et incorruptible justice, en sa 
suprême et inénarrable miséricorde. Car 
sa haute sagesse a déçu le 
démon, sa haute justice a requis le prix de la rançon, sa haute miséricor a 
livré 
pour nous son Fils. Ces attributs, dignement considérés, nous 
manifestent Dieu admirable. - L'ESPRIT 
capable d'intelligibilité, 
selon sa triple espèce, savoir : en grandeur de bénignité dans les Anges, 
en 
grandeur de dignité dans les Hommes, en grandeur de malignité dans 
les démons. Car les Anges ont 
permis que leur Seigneur fût 
crucifié, les hommes sont estimés à ce prix que pour eux le Fils de Dieu 
fût 
crucifié, mais à la suggestion des démons. - Le MONDE, esclave des 
sens parce qu'il est un LIEU où 
règnent la cécité, puisqu'il 
n'a pas connu la vraie et suprême lumière; la stérilité, puisqu'il a 
méprisé 
Jésus-Christ comme infécond; l'iniquité, puisqu'il a condamné et 
mis à mort son Dieu et Se neur 
amoureux et innocent. - Le 
PARADIS à jamais DESIRABLE puisqu'en lui se voit : le faite de toute 
gloire, 
le déploiement de toute allégresse, l'amas de toute opulence; car 
Dieu, pour nous restituer cette habitation, 
s'est fait homme vil, miséreux 
et pauvre; et là : la hauteur cepta l'abjection, la justice subit 
la 
condamnation, l'opulence assuma l'indigence : le très haut 
Empereur en effet accepta l'abjecte servitude, 
pour que nous fussions sublimés 
en gloire; le très juste Juge subit la condamnation la plus sévère, 
pour 
que ous fussions justifiés de toute coulpe; le très opulent 
Seigneur assuma l'extrême pauvreté, pour que 
nous fussions enrichis de son 
abondance. - L'ENFER toujours HORRIBLE étant un lieu rempli 
d'indigence, de 
bassesse, d'ignominie, de calamité et de toute misère. S'il fut nécessaire que 
le Christ 
souffrit pour relever l'homme du péché et y satisfaire, combien 
plus fortement sera-t-il nécessaire ue les 
damnés subissent tous ces maux 
pour la juste rétribution de leur dette et sa compensation! - La 
VERTU 
véritablement LOUABLE, savoir selon son prix, selon son éclat, 
selon son fruit : selon son prix, car le 
Christ donna sa vie plutôt que 
de contredire à la vertu; selon son éclat, car il resplendissait au 
milieu 
même des outrages; selon son fru , parce qu'un seul exercice 
parfait de la vertu spolia l'enfer, rouvrit le 
ciel, restaura la terre. - Le 
PECHE individuellement IMPUTABLE et combien détestable, puisque à 
sa 
rançon est exigé : un prix si lourd, une expiation si grande, un 
remède si amer; tant et tant qu'il a fallu qu'à 
y satisfaire se vouât Dieu uni 
en unité de personne à l'homme le p s noble, par le plus abject 
abaissement, 
à cause de l'arrogance, car nulle n'est plus superbe; par la plus 
dépouillée pauvreté, à cause de la cupidité, 
car nulle n'est plus avide; par 
la plus âpre acerbité, à cause de la lasciveté, car nulle n'est plus ssolue. V. 
- 
Voilà 
donc comment toutes choses en la Croix se manifestent; toutes choses en effet à 
ces SEPT se 
réduisent. D'où la Croix est la clé, la porte, la voie et la 
splendeur de la Vérité. "Celui qui la prend et la suit 
de la manière assignée ici ne 
marche pas dans les ténèbres, mais il aura la LUMIERE de vie " (Joan, 
8, 
12; 
Mat., 16, 24). 
§ 4. - LA DOUCEUR DE LA CHARITÉ.
VI. - DE SEPT PAS OU 
DEGRES PAR LESQUELS ON PARVIENT A LA 
DOUCEUR DE 
CHARITE 
Les DEGRES d'accès à 
la douceur de charité par la conception de l'Esprit Saint sont les suivants : 
la 
vigilance soucieuse, la confiance confortante, le désir enflammé, 
l'ardeur soulevante, la complaisance 
accoisante, la liesse 
délectable, l'adhésion unissante; et dans cet ordre tu dois les parcourir, toi 
qui veux 
atteindre par la charité à la perfection et à l'a ur de l'Esprit 
Saint. Il est nécessaire en effet : - Que la 
vigilance te soucie, à cause de 
la CELERITE de la venue de l'Époux, de sorte que tu puisses faire 
tiennes 
ces paroles du Psalmiste : " Dieu, mon Dieu, dès le matin je 
veille et t'attends...", et ces autres du 
Cantique : " Je dors et mon 
coeur ille...", et celles-ci du Prophète : " Mon âme t'a désiré dans la nuit, 
et 
mon 
esprit, dans mes entrailles, des le matin a veillé pour toi s (Ps., 62, 2; 
Cant., 5, 2; Isaïe, 26, 9). - Que 
la confiance te réconforte à 
cause de la CERTITUDE de la venue de l'Epoux; en sorte que tu puisses 
dire 
: 
"En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai jamais confondu", et avec Job : 
"Alors qu'il me tuerait, 
j'espererais encore en lui" (Ps 
30, 2; ob. 13, 15). - Que le désir t'enflamme, à cause de la DOUCEUR 
de 
l'Époux, en sorte que tu répètes avec le Psaume : " Comme le cerf 
désire l'eau des fontaines, ainsi mon 
âme soupire vers toi, O Dieu", 
ou avec le Cantique : "Fort comme la mort est l'amour ", ou encor : 
"Je 
languis d'amour.., " (Ps., 41, 2; Cant., 8, 8; 2, 5). - Que 
l'ardeur te soulève à cause de la SUBLIMITE de 
l'Époux, et que tu dises : 
"Qu'ils sont aimés, tes tabernacles, Dieu puissant"; et avec l'Épouse 
: 
"Entraîne-moi, je courrai... ", ou avec Job : "La mort m'est à 
désir" (Ps. 83, 2; Cant. 1, 3; Job. 15). - Que 
la complaisance t'apaise, à 
cause de la BEAUTE de l'Époux, en sorte que ta puisses dire : "Mon 
Bien- 
Aimé est à moi et moi à lui, mon Bien-Aimé est blanc et vermeil ", 
ainsi que fait l'épouse (Cant. 2, 16; 
5,10). - Que l'allégresse te 
délecte à cause de 1a PLENITUDE de l'Époux, en sorte que tu redises : 
"Selon 
la multitude de mes douleurs en mon coeur, mon âme s'est réjouie 
dans l'abondance des consolations", ou 
encore : "Combien grande est la 
multitude de tes ouceurs, ô Dieu"; et avec l'Apôtre : "Je surabonde 
de 
joie... " (Ps. 93, 19; Ps. 30, 20; 2 Cor. 7, 4). - Que l'adhésion 
te conglutine à Lui, à cause de la FORCE 
DE L'AMOUR de l'Époux; en sorte 
que tu puisses dire : "Le bien pour moi est d'adhérer à Dieu", ou 
encore : "Qui nous 
séparera de la charité de Dieu?" (Ps. 72, 28; Rom., 8, 35). 
VII. - Entre ces 
degrés l'ordre est tel qu'on n'a pas d'arrêt avant le dernier et qu'on n'atteint 
celui-ci que 
par les degrés intermédiaires, ainsi mutuellement disposés : au 
premier degré s'exerce la réflexion, dans les 
suivants domine l'affection. La 
gilance en effet considère combien légitime, utile et délectable est 
d'aimer 
Dieu. Engendrée de là, la confiance engendre, à son tour, le 
désir; et celui-ci l'ardeur, jusqu'à ce que l'âme 
atteigne à l'union, au baiser 
et à l'étreinte; où daigne nous co uire Celui qui vit et règne au siècle 
des 
siècles. Amen. 
§ 5. - RECAPITULATION
VIII. - BRIEVEMENT ces 
étapes peuvent ainsi se résumer : 1° D'abord, distingue sept pas pour 
la 
purification : à cause de tes déportements, rougis; à cause du 
jugement, frémis; à cause du châtiment, 
gémis; à cause de ta guérison, 
implore un subside; à cause de l'adversaire, étouffe tes passions; à cause 
de 
l 
couronne, aspire au martyre; et pour t'abriter, approche-toi du Christ. 2° 
Ensuite, distingue sept pas vers 
l'illumination : considère qui 
est celui qui souffre : que la foi te captive; quel est celui qui souffre : que 
la 
compassion te contriste; quelle grandeur en Celui qui souffre : 
que l'admiration te stupéfie; pour quel 
cause? et confiant rends grâce; 
en quelle forme? et suis-le pour lui ressembler; de quelles souffrances 
sans 
mesure? Embrase-toi pour l'embrasser; et ce que tu dois en 
conclure? Comprends et contemple. 3° Enfin, 
distingue sept pas vers la voie 
unitive : que la vigilance te rende attentif au rapide passage de l'Époux; 
que 
la 
confiance te rende fort à cause de la certitude de sa venue; que le désir 
t'embrase à cause de la douceur 
du Bien-Aimé; que la f veur te 
soulève jusqu'à sa sublimité; que la complaisance t'apaise dans sa 
beauté; 
que la liesse t'enivre sur la plénitude de son amour; que 
l'attachement te conglutine par la puissance de cet 
amour; afin que toujours l'âme 
dévote, en son coeur dise à s Seigneur : "Je te cherche, je t'attends, je 
te 
désire, je me tends vers toi, je te saisis, en toi j'exulte, à toi 
j'adhère enfin comme à mon BIEN ". 
  
§ 6. - AUTRES DISTINCTIONS DES PROGRES EN NEUF ÉTAPES
IX. - Notez que les 
étapes du progrès spirituel pourraient encore autrement être fixées, selon une 
trois fois 
triple ordonnance, accordée à leur triple hiérarchie : trois 
étapes sont d'abord nécessaires à chacune; savoir 
: l'AMERTUME, la GRATITUDE et 
la SIMILITUDE; et cela depuis le péché. Car si l'homme n'avait 
pas péché, il eût 
suffi de deux pas, la gratitude et la similitude; la reconnaissance, à cause de 
la grâce; la 
ressemblance, à cause de la justice. Aujourd'hui est en outre 
nécessaire l'amertume de la pénitence 
médicinale : les péchés en 
effet perpétrés par délectation ne peuvent s'effacer que par une 
afflictive 
contrition. 1° Dans cette amertume entre comme éléments : 
l'appréciation des péchés, à cause de notre 
propre malice; le souvenir des 
douleurs, à cause des souffrances du Christ; la postulation des remèdes, 
à 
cause 
des misères du prochain. 2° Dans la gratitude entre comme éléments : 
l'admiration des bienfaits, à 
cause de1a création du néant; 
l'annihilation des mérites, à cause de la réparation du péché; l'action 
de 
grâce, à cause de l'arrachement de l'enfer; la création faite à 
l'image; la rédemption par son propre sang; 
l'arrachement jusqu'à la 
hauteur des cieux. 3° Dans la similitude entre comme éléments : un regard 
de 
vérité élevé au-dessus de soi; un sentiment de charité dilaté vers 
le prochain; un effort de virilité ordonné à 
l'intérieur. 
1. EXPLICATION SUR LA SIMILITUDE
- Ainsi s'opère 
l'élévation au-dessus de soi dans un regard de vérité d'abord par la 
contemplation des 
choses divines, oeuvre d'intelligence; ensuite par l'examen des 
univers créés, oeuvre de science; enfin par 
la sujétions des pensées, 
oeuvre de foi formée. - Semblablement, l'extension autour de soi 
s'accomplira 
diligemment en un sentiment de charité : d'abord par appétit des 
choses éternelles, oeuvre de sapience; par 
embrassement des félicités 
rationnelles, oeuvre d'amitié; enfin par rejet des voluptés charnelles, oeuvre 
de 
modération. - Pareillement, l'effort de virilité qui s'exercera 
sur toi-même emploiera d'abord l'attaque des 
difficultés, oeuvre de courage, 
ensuite l'accomplissement d'actions louables, oeuvre de magnanimité; 
enfin 
l'acceptation des humiliations, oeuvre d'humilité. 
2. CONSIDERATIONS SUR LA TRIPLE VOIE
X. - La PURIFICATION 
s'opère dans l'amertume où se trouve : d'abord la contrition, par rapport à 
soi: 
elle doit être douloureuse, à cause des maux qui accablent toi, le 
Christ et le prochain, oeuvre de tristesse; 
ensuite la compassion, par 
rapport au Christ : elle doit être craintive, à cause des jugements cachés 
et 
néanmoins vrais, bien qu'incertains, quant au temps, au jour et à 
l'heure, oeuvre de révérence; enfin la 
commisération par rapport au 
prochain : elle doit être suppliante, à cause du patronage de Dieu 
toujours 
préparé, en vertu des mérites du Christ et de l'intercession des 
saints : oeuvre de confiance. - 
L'ILLUMINATION s'opère dans la 
similitude ou se trouve : d'abord un regard vers la Vérité 
première, 
élevé vers les notions incompréhensibles, tourné vers les 
intelligibles, anéanti devant les révélées; ensuite 
un sentiment de charité, élevé 
vers Dieu, tourné vers le prochain, anéanti pour le monde; enfin une 
virile 
activité, élevée vers les choses recommandables, tournée vers les 
communicables, anéantie pour les 
méprisables. - La PERFECTION 
enfin s'opère dans la gratitude où se retrouve: la vigilance, qui se 
lève 
pour chanter l'utilité des bienfaits; l'allégresse, qui exulte 
pour jubiler de la précieuseté des dons; la 
complaisance, qui s'approche 
pour recevoir le baiser de la libéralité du Donateur. 
§ 7. D'UNE DOUBLE CONTEMPLATION DES CHOSES DIVINES
XI. - Note que le 
regard de vérité doit être porté en haut vers les actions incompréhensibles; et 
ce sont les 
mystères de la Suprême TRINITE. Vers ELLE nous nous élevons par la 
contemplation. Et ce 
mouvement s'opère de deux façons : soit par affirmation (ou 
position); soit par négation (ou 
retranchement); la première 
suit saint Augustin, la seconde Denys. 
1. LA VOIE DE POSITION
Par voie de position, 
nous comprenons qu'en la Divinité, certains attributs peuvent être considérés 
comme 
communs, certains comme propres, certains comme appropriés et 
tenant le milieu entre ceux-là et ceux-ci. 
Comprends en conséquence, et si 
tu le peux, contemple les attributs communs; et vois d'abord, que 
Dieu 
est essence première, nature parfaite, vie bienheureuse, qui entre 
soi ont une nécessaire connexion. 
Ensuite, applique-toi, et si tu 
le peux, vois que Dieu est éternité actuelle, simplicité comblante 
et 
immobilité motrice, qui semblablement sont corrélatives et 
connexes. Enfin, considère que Dieu est 
lumière inaccessible, esprit 
immuable et paix incompréhensible, qui incluent non seulement 
unité 
d'essence, mais en outre Trinité parfaite. 1. La lumière en effet, 
en tant que rayonnante, engendre la 
splendeur, la splendeur et la 
lumière produisent la chaleur, de sorte que la chaleur procède de l'une et 
de 
l'autre, mais non par mode de génération. Si donc Dieu est 
vraiment lumière inaccessible, où splendeur et 
chaleur soient substance et 
hypostase, en Dieu véritablement est un Père, un Fils, un Esprit Saint, 
qui 
constituent PROPREMENT les divines Personnes. 2. Ensuite un 
Esprit, en tant que Principe, conçoit et 
produit de soi un Verbe et 
d'eux émane un Don d'amour, et ces processions se trouvent en tout 
esprit 
parfait. Si donc Dieu est esprit incorruptible, il est normal que 
dans l'être divin soit un premier Principe, 
un Verbe éternel, un Don 
parfait, qui sont selon leurs vraies propriétés les divines Personnes. 3. La 
Paix 
enfin aussi exige union entre plusieurs. Or seuls les semblables 
peuvent être parfaitement conjoints; mais 
pour être semblables, il faut 
l'être ou deux d'un tiers ou l'un d'un autre. Puisque dans la Divinité, deux 
ne 
peuvent être d'un tiers de la même manière, il s'impose donc que 
si en Dieu est une vraie PAIX, ce soit 
d'une Première Origine et de 
son Image et de leur mutuelle Connexion. XII. - En Dieu d'autre part 
les 
appropriations se manifestent selon une triple distinction : 1. 
Les attributs d'abord appropriés sont l'Unité, 
la Vérité, la Bonté. L'Unité 
est attribuée au Père, parce qu'il est Origine; la Vérité au Fils, parce qu'il 
est 
Image; la Bonté à l'Esprit, parce qu'il est Lien. 2. Ensuite sont 
appropriés le Pouvoir, le Savoir, le Vouloir 
: le Pouvoir au Père, comme 
Principe; le Savoir au Fils, comme Verbe; le Vouloir à l'Esprit, comme 
Don. 
3. 
Enfin sont appropriées la Sublimité, la Beauté, la Suavité: la Sublimité au 
Père, à cause d'unité et 
pouvoir; car sublimité se dit 
d'une puissance sans paire. La Beauté au Fils, par vérité et savoir; car 
savoir 
inclut multitude d'idées, et vérité unité, la beauté se disant de 
la pluralité réduite à l'unité. La Suavité à 
l'Esprit Saint, par vouloir de 
bonté, soit bienveillance; car où la suprême Bonté est incluse à la volonté 
se 
trouve la souveraine douceur ou suavité. Donc en Dieu existe la 
Sublimité formidable, la Beauté 
admirable, la Suavité 
désirable. ICI ARRETE-TOI! Telle est l'élévation à Dieu par voie 
d'affirmation. 
2. LA VOIX DE NEGATION
XIII. - Mais une autre 
voie conduit plus haut, savoir la voie de négation, parce que selon Denys, 
les 
affirmations sont de notions disjointes, la négation est vraie 
elle semble dire moins, mais elle exprime 
davantage. Or cette méthode 
d'élévation procède par reniement de toute chose; de sorte qu'en 
ces 
négations s'établisse un ordre qui, passant des choses inférieures 
jusqu'aux supérieures, se conclut sur une 
suréminente affirmation. Par 
exemple on dit : Dieu n'est pas saisissable par les sens, car il est 
au-dessus 
des sens; ni par l'imagination, ni par l'intelligence, car il est 
au-dessus de tout mode de connaître; il n'entre 
pas dans la catégorie de 
l'existence, car IL EST CELUI QUI EST. Alors le regard de vérité se porte 
à 
travers cette ténèbre de l'esprit et monte plus haut et s'enfonce 
plus avant parce qu'il se dépasse lui-même 
et tout le créé. Ce mode 
d'élévation est le plus noble, et cependant pour qu'il soit parfait, il 
préexige 
l'autre, comme la consommation, l'illumination; et la négation, 
l'affirmation. Et cette ascension est d'autant 
plus vigoureuse que sa poussée 
est plus intime, d'autant plus fructueuse que l'affection est plus 
pénétrée. 
C'est pourquoi il est grandement utile de s'y exercer 
souvent. 
3. AUTRE MODE HIERARCHIQUE DE LA CONTEMPLATION
XIV - Note enfin que 
la Vérité doit être :1° dans la première Hiérarchie : évoquée par le gémissement 
et la 
prière, oeuvre des Anges; écoutée dans l'étude et la lecture, 
oeuvre des Archanges; annoncée par 
l'exemple et la prédication, 
oeuvre des Principautés. 2° Dans la deuxième Hiérarchie : rejointe 
comme 
refuge et lieu d'abandon, oeuvre des Puissances; appréhendée par 
le zèle et l'émulation, oeuvre des 
Vertus; conjointe dans le 
mépris de soi et la mortification, oeuvre des Dominations. 3° Dans la 
troisième 
Hiérarchie : adorée par le sacrifice et la louange, oeuvre des 
Trônes; admirée en sortie de soi et 
contemplation, oeuvre des 
Chérubins; étreinte dans le baiser de la dilection, oeuvre des Séraphins. 
Note 
diligemment tout ce que je t'ai enseigné parce qu'en cela est UNE 
FONTAINE DE VIE. 
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Alexis@JesusMarie.com